Voici quelques courtes citations pouvant servir à l'édification des masses.
Puisse la modestie du projet faire pardonner le confusionnisme de l'exercice.
Debord (Guy)
" (...) Il est vain (...) de chercher à nos théories sur larchitecture ou la dérive dautres mobiles que la passion du jeu.
Autant le spectacle de presque tout ce qui se passe dans le monde suscite notre colère et notre dégoût, autant nous savons pourtant, de plus en plus, nous amuser de tout. Ceux qui comprennent ici que nous sommes des ironistes sont trop simples. La vie autour de nous est faite pour obéir à des nécessités absurdes, et tend inconsciemment à satisfaire ses vrais besoins. (...) "
" Larchitecture et le jeu ", in Potlatch n° 20, 30 mai 1955.
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" De même quil ny a pas de " situationnisme " comme doctrine, il ne faut pas laisser qualifier de réalisations situationnistes certaines expériences anciennes ou tout ce à quoi notre faiblesse idéologique et pratique nous limiterait maintenant. (...) "
" Encore un effort si vous voulez être situationnistes.
LI.S. dans et contre la décomposition.
à Mohamed Dahou "
in Potlatch n° 29, 5 novembre 1957.
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" (...) Nos ambitions sont nettement mégalomanes, mais peut-être pas mesurables aux critères dominants de la réussite. Je crois que tous mes amis se satisferaient de travailler anonymement au ministère des Loisirs dun gouvernement qui se préoccupera enfin de changer la vie, avec des salaires douvriers qualifiés. "
Ibid.
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" Nous vivons, comme devront le faire les novateurs réels jusquau renversement de toutes les conditions dominantes de la culture, dans cette contradiction centrale : nous sommes en même temps une présence et une contestation dans les arts que lon appelle actuellement modernes. Nous devons conserver et surmonter cette négativité, avec son dépassement vers un terrain culturel supérieur. "
" Le rôle de Potlatch, autrefois et maintenant ",
in Potlatch n° 30, Nouvelle série n° 1, 15 juillet 1959.
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" On sest demandé : " la vie privée est privée de quoi ? " Tout simplement de la vie, qui en est cruellement absente. Les gens sont aussi privés quil est possible de communication ; et de réalisation deux-mêmes. Il faudrait dire : de faire leur propre histoire, personnellement. "
" Perspectives de modifications conscientes dans la vie quotidienne ",
in Internationale Situationniste, n° 6, août 1961.
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" De même quautrefois la bourgeoisie, dans sa phase ascendante, a dû mener une liquidation impitoyable de tout ce qui surpassait la vie terrestre (le ciel, léternité) ; de même le prolétariat révolutionnaire qui ne peut jamais, sans cesser dexister comme tel, se reconnaître un passé ou des modèles devra renoncer à tout ce qui surpasse la vie quotidienne. Ou plutôt prétend la surpasser : le spectacle, le geste ou le mot " historiques ", la grandeur des dirigeants, le mystère des spécialisations, l" immortalité " de lart et son importance extérieure à la vie. Ce qui revient à dire : renoncer à tous les sous-produits de léternité qui ont survécu comme armes du monde des dirigeants. "
Ibid.
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" Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production sannonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu sest éloigné dans une représentation. "
La Société du Spectacle, 1 (1967)
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" Le spectacle nest pas un ensemble dimages, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images. "
Ibid., 4
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" Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que "ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît". Lattitude quil exige par principe est cette acceptation passive quil a déjà en fait obtenue par sa manière dapparaître sans réplique, par son monopole de lapparence. "
Ibid., 12
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" Le caractère fondamentalement tautologique du spectacle découle du simple fait que ses moyens sont en même temps son but. Il est le soleil qui ne se couche jamais sur lempire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire. "
Ibid., 13
***
" Le spectacle se soumet les hommes vivants dans la mesure où léconomie les a totalement soumis. Il nest rien que léconomie se développant pour elle-même. Il est le reflet fidèle de la production des choses, et lobjectivation infidèle des producteurs. "
Ibid., 16
***
" La philosophie, en tant que pouvoir de la pensée séparée, et pensée du pouvoir séparé, na jamais pu par elle-même dépasser la théologie. Le spectacle est la reconstruction matérielle de lillusion religieuse. La technique spectaculaire na pas dissipé les nuages religieux où les hommes avaient placé leurs propres pouvoirs détachés deux : elle les a seulement reliés à une base terrestre. Ainsi cest la vie la plus terrestre qui devient opaque et irrespirable. Elle ne rejette plus dans le ciel, mais elle héberge chez elle sa récusation absolue, son fallacieux paradis. Le spectacle est la réalisation technique de lexil des pouvoirs humains dans un au-delà ; la scission achevée à lintérieur de lhomme. "
Ibid., 20
***
" Le système économique fondé sur lisolement est une production circulaire de lisolement. Lisolement fonde la technique, et le processus technique isole en retour. De lautomobile à la télévision, tous les biens sélectionnés par le système spectaculaire sont aussi ses armes pour le renforcement constant des conditions disolement des "foules solitaires". Le spectacle retrouve toujours plus concrètement ses propres présuppositions. "
Ibid., 28
***
" Lhomme séparé de son produit, de plus en plus puissamment produit lui-même tous les détails de son monde, et ainsi se trouve de plus en plus séparé de son monde. Dautant plus sa vie est maintenant son produit, dautant plus il est séparé de sa vie. "
Ibid., 33
***
" Le spectacle est le capital à un tel degré daccumulation quil devient image. "
Ibid., 34
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" Cest lunité de la misère qui se cache sous les oppositions spectaculaires. Si des formes diverses de la même aliénation se combattent sous les masques du choix total, cest parce quelles sont toutes édifiées sur les contradictions réelles refoulées. Selon les nécessités du stade particulier de la misère quil dément et maintient, le spectacle existe sous une forme concentrée ou sous une forme diffuse. Dans les deux cas, il nest quune image dunification heureuse environnée de désolation et dépouvante, au centre tranquille du malheur. "
Ibid., 63
***
" Sous-produit de la circulation des marchandises, la circulation humaine considérée comme une consommation, le tourisme, se ramène fondamentalement au loisir daller voir ce qui est devenu banal. Laménagement économique de la fréquentation de lieux différents est déjà par lui-même la garantie de leur équivalence. La même modernisation qui a retiré du voyage le temps, lui a aussi retiré la réalité de lespace. "
Ibid., 168
***
" Le moment présent est déjà celui de lautodestruction du milieu urbain. Léclatement des villes sur les campagnes recouvertes de "masses informes de résidus urbains" (Lewis Mumford) est, dune façon immédiate, présidé par les impératifs de la consommation. La dictature de lautomobile, produit-pilote de la première phase de labondance marchande, sest inscrite dans le terrain avec la domination de lautoroute, qui disloque les centres anciens et commande une dispersion toujours plus poussée. En même temps, les moments de réorganisation inachevée du tissu urbain se polarisent passagèrement autour des "usines de distribution" que sont les supermarkets géants édifiés en terrain nu, sur un socle de parking ; et ces temples de la consommation précipitée sont eux-mêmes en fuite dans le mouvement centrifuge, qui les repousse à mesure quils deviennent à leur tour des centres secondaires surchargés, parce quils ont amené une recomposition partielle de lagglomération. Mais lorganisation technique de la consommation nest quau premier plan de la dissolution générale qui a conduit ainsi la ville à se consommer elle-même. "
Ibid., 174
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" Les idées saméliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est nécessaire. Le progrès limplique. Il serre de près la phrase dun auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par une idée juste. "
Ibid., 207
***
Fillon (Jacques)
" Lart nest plus une belle chose rendue par des moyens, mais de beaux moyens qui rendent occasionnellement quelque chose. "
" De lambiance sonore dans une construction plus étendue ",
in Potlatch n° 21, 30 juin 1955.
Lettriste (Internationale)
" (...) Le potlatch est une grande cérémonie solennelle où lun dentre deux groupes dispense des présents à lautre sur une grande échelle, avec force démonstrations et rites, et à seule fin de prouver ainsi sa supériorité sur celui-ci. Lunique, mais indispensable contre-prestation réside dans lobligation pour lautre partie de renouveler la cérémonie dans un intervalle donné et si possible en renchérissant sur la précédente. "
Extrait de Homo Ludens (1951),
cité dans Potlatch n° 21, 30 juin 1955.
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" La poésie a épuisé ses derniers prestiges formels. Au-delà de lesthétique, elle est toute dans le pouvoir des hommes sur leurs aventures. La poésie se lit sur les visages. Il est donc urgent de créer des visages nouveaux. La poésie est dans la forme des villes. Nous allons donc en construire de bouleversantes. La beauté nouvelle sera DE SITUATION, cest-à-dire provisoire et vécue.
Les dernières variations artistiques ne nous intéressent que par la puissance influentielle que lon peut y mettre ou y découvrir. La poésie pour nous ne signifie rien dautre que lélaboration de conduites absolument neuves, et les moyens de sy passionner. "
" Réponse à une enquête du groupe surréaliste belge ",
in La Carte daprès Nature, n° spécial, janvier 1954.
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" En fonction de ce que vous cherchez, choisissez une contrée, une ville de peuplement plus ou moins dense, une rue plus ou moins animée. Construisez une maison. Meublez-la. Tirez le meilleur parti de sa décoration et de ses alentours. Choisissez la saison et lheure. Réunissez les personnes les plus aptes, les disques et les alcools qui conviennent. Léclairage et la conversation devront être évidemment de circonstance, comme le climat extérieur ou vos souvenirs.
Sil ny a pas eu derreur dans vos calculs, la réponse doit vous satisfaire. (Communiquer les résultats à la rédaction.) "
" Le jeu psychogéographique de la semaine ",
in Potlatch n° 1, 22 juin 1954.
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" Nous rappeler à votre bon souvenir ne présente pas dintérêt. Mais il sagit de pouvoirs concrets. Quelques centaines de personnes déterminent au petit bonheur la pensée de lépoque. Nous pouvons disposer deux, quils le sachent ou non. Potlatch envoyé à des gens bien répartis dans le monde nous permet de troubler le circuit où et quand nous voulons.
Quelques lecteurs ont été choisis arbitrairement. Vous avez tout de même une chance den être."
LA REDACTION. "
" Mode demploi de Potlatch ",
in Potlatch n° 2, 29 juin 1954.
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" Les plus beaux jeux de lintelligence ne nous sont rien. Léconomie politique, lamour et lurbanisme sont des moyens quil nous faut commander pour la résolution dun problème qui est avant tout dordre éthique.
Rien ne peut dispenser la vie dêtre absolument passionnante. Nous savons comment faire.
Malgré lhostilité et les truquages du monde, les participants dune aventure à tous égards redoutable se rassemblent, sans indulgence.
Nous considérons généralement quen dehors de cette participation, il ny a pas de manière honorable de vivre."
pour lInternationale lettriste :
HENRY DE BEARN, ANDRE-FRANCK CONORD,
MOHAMED DAHOU, GUY-ERNEST DEBORD,
JACQUES FILLON, PATRICK STRARAM,
GIL J WOLMAN. "
" Sans commune mesure ",
in Potlatch n° 2, juin 1954.
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" Potlatch est envoyé à certaines des adresses qui sont communiquées à la rédaction. "
Potlatch n° 3, 6 juillet 1954.
***
" Dans cette époque de plus en plus placée, pour tous les domaines, sous le signe de la répression, il y a un homme particulièrement répugnant, nettement plus flic que la moyenne. Il construit des cellules unités dhabitations, il construit une capitale pour les Népalais, il construit des ghettos à la verticale, des morgues pour un temps qui en a bien lusage, il construit des églises.
Le protestant modulor, le Corbusier-Sing-Sing, le barbouilleur de croûtes néo-cubistes fait fonctionner la " machine à habiter " pour la plus grande gloire du Dieu qui a fait à son image les charognes et les corbusiers.
On ne saurait oublier que si lUrbanisme moderne na encore jamais été un art et dautant moins un cadre de vie , il a par contre été toujours inspiré par les directives de la Police ; et quaprès tout Haussmann ne nous a fait ces boulevards que pour commodément amener du canon.
Mais aujourdhui la prison devient lhabitation-modèle, et la morale chrétienne triomphe sans réplique, quand on savise que Le Corbusier ambitionne de supprimer la rue. Car il sen flatte. Voilà bien le programme : la vie définitivement partagée en îlots fermés, en sociétés surveillées ; la fin des chances dinsurrection et de rencontres ; la résignation automatique. (...)
Quest-ce que M. Le Corbusier soupçonne des besoins des hommes ? (...) "
" Les gratte-ciel par la racine ",
in Potlatch n° 5, 20 juillet 1954.
***
" La futilité des distractions connues explique lassentiment quune majorité se tient prête à donner aux plus affligeantes des entreprises réputées sérieuses : guerres continentales ou bonne marche des grands magasins du " Printemps ".
Les " moyens dévasion " dont on fait commerce sont si pauvres que seule la répression imbécile de notre société dhéritage chrétien crée quelque différence entre livresse traditionnelle des jeunes conscrits et laccoutumance à la morphine.
Lévasion nest jamais possible ; mais bien le changement de toutes les conditions de notre vie. Le reste nest pas amusant, mais vulgaire. Ceux qui choisissent la facilité ne savent que se perdre dans les promiscuités, les petits stupéfiants, lennui, la petitesse...
Quest-ce quun roi sans divertissement ?
Les chances de nouveaux comportements sont en jeu.
Ce jeu ne peut être mené quavec la plus grande rigueur. "
" Les petits stupéfiants ",
in Potlatch n° 6, 27 juillet 1954.
***
" (...) Une seule entreprise nous paraît digne de considération : cest la mise au point dun divertissement intégral.
Laventurier est celui qui fait arriver les aventures, plus que celui à qui les aventures arrivent.
La construction de situations sera la réalisation continue dun grand jeu délibérément choisi ; le passage de lun à lautre de ces décors et de ces conflits dont les personnages dune tragédie mouraient en vingt-quatre heures. Mais le temps de vivre ne manquera plus.
À cette synthèse devront concourir une critique du comportement, un urbanisme influentiel, une technique des ambiances et des rapports, dont nous connaissons les premiers principes.
Il faudra réinventer en permanence lattraction souveraine que Charles Fourier désignait dans le libre jeu des passions."
Pour lInternationale Lettriste :
MICHELE I. BERNSTEIN, ANDRE-FRANCK CONORD,
MOHAMED DAHOU, GUY-ERNEST DEBORD,
JACQUES FILLON, VERA, GIL J WOLMAN. "
" ... Une idée neuve en Europe ",
in Potlatch n° 7, 3 août 1954.
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" Les grandes villes sont favorables à la distraction que nous appelons dérive. La dérive est une technique du déplacement sans but. Elle se fonde sur linfluence du décor. (...)"
G.-E. DEBORD, JACQUES FILLON "
Potlatch n° 14, 30 novembre 1954.
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" Construisez vous-même une petite situation sans avenir. "
Tract lettriste apposé sur les murs de Paris, mai 1955.
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" Certaines équivoques (...) étaient entretenues par lhumour que quelques-uns mettaient, et que dautres ne mettaient pas, dans des affirmations choisies pour leur aspect stupéfiant : quoique parfaitement indifférents à toute survie nominale par une renommée littéraire ou autre, nous écrivions que nos uvres pratiquement inexistantes resteraient dans lhistoire, avec autant dassurance que les quelques histrions de la bande qui se voulaient " éternels ". Tous, nous affirmions que nous étions très beaux. La bassesse des argumentations que lon nous présentait, dans les ciné-clubs et partout, ne nous laissait pas loccasion de répondre plus sérieusement. Dailleurs, nous continuons davoir bien du charme."
GUY-ERNEST DEBORD
GIL J WOLMAN "
" Pourquoi le Lettrisme ? " 3,
in Potlatch n° 22, 9 septembre 1955.
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" Les amusements qui attachent un homme sont lexacte mesure de sa médiocrité : le base-ball ou lécriture automatique, pour quoi faire ? Lidée de succès, quand on ne sen tient pas aux désirs les plus simples, est inséparable de bouleversements complets à léchelle de la Terre. Le restant des réussites permises ressemble toujours fortement au pire échec. "
Ibid. 5.
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" Tous les textes publiés dans Potlatch peuvent être reproduits, imités, ou partiellement cités, sans la moindre indication dorigine. "
Potlatch n° 22, 9 septembre 1955.
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" ADHEREZ EN MASSE à lInternationale Lettriste. On en gardera quelques uns. "
Potlatch n° 24, 24 novembre 1955.
Marcus (Greil)
" Le problème avec les années soixante était que des gens sétaient saisis de leurs loisirs et de leur humanité comme de droits ; le thatchérisme et le reaganisme avaient pour projet de retransformer ces choses en privilèges. ( )
Cest comme si Thatcher et Reagan avaient adopté un mot dordre situationniste : labondance est dangereuse pour le pouvoir, et la privation, si elle est gérée avec précaution, est sûre. Un endettement colossal encourage la peur, qui nest jamais révolutionnaire ; un haut niveau de chômages garantit de promptes équipes de briseurs de grève, transforme la malédiction davoir un sale boulot en bénédiction. "
Lipstick Traces
Situationniste (Internationale)
" situation construite. Moment de la vie, concrètement et délibérément construit par lorganisation collective dune ambiance unitaire et dun jeu dévénements.
situationniste. Ce qui se rapporte à la théorie ou à lactivité pratique dune construction des situations. Celui qui semploie à construire des situations. Membre de lInternationale situationniste.
psychogéographie. Etude des effets précis du milieu géographique, consciemment aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus.
psychogéographique. Relatif à la psychogéographie. Ce qui manifeste laction directe du milieu géographique sur laffectivité.
psychogéographe. Qui recherche et transmet les réalités psychogéographiques.
dérive. Mode de comportement expérimental lié aux conditions de la société urbaine : technique du passage hâtif à travers des ambiances variées. Se dit aussi, plus particulièrement, pour désigner la durée dun exercice continu de cette expérience.
urbanisme unitaire. Théorie de lemploi densemble des arts et techniques concourant à la construction intégrale dun milieu en liaison dynamique avec des expériences de comportement.
détournement. Semploie par abréviation de la formule : détournement déléments esthétiques préfabriqués. Intégration de productions actuelles ou passées des arts dans une construction supérieure du milieu. Dans ce sens il ne peut y avoir de peinture ou de musique situationniste, mais un usage situationniste de ces moyens. Dans un sens plus primitif, le détournement à lintérieur des sphères culturelles anciennes est une méthode de propagande, qui témoigne de lusure et de la perte dimportance de ces sphères.
culture. Reflet et préfiguration, dans chaque moment historique, des possibilités dorganisation de la vie quotidienne ; complexe de lesthétique, des sentiments et des murs, par lequel une collectivité réagit sur la vie qui lui est objectivement donnée par son économie. (Nous définissons seulement ce terme dans la perspective de la création des valeurs, et non dans celle de leur enseignement).
décomposition. Processus par lequel les formes culturelles traditionnelles se sont détruites elles-mêmes, sous leffet de lapparition de moyens supérieurs de domination de la nature, permettant et exigeant des constructions culturelles supérieures. On distingue entre une phase active de la décomposition, démolition effective des vieilles superstructures qui cesse vers 1930 , et une phase de répétition, qui domine depuis. Le retard dans le passage de la décomposition à des constructions nouvelles est lié au retard dans la liquidation révolutionnaire du capitalisme. "
" Définitions "
in Internationale Situationniste n° 1, juin 1958.
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" Nous ne voulons pas travailler au spectacle de la fin dun monde, mais à la fin du monde du spectacle. "
Internationale Situationniste n° 3, décembre 1959.
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" LEglise a brûlé autrefois les prétendus sorciers pour réprimer les tendances ludiques primitives conservées dans les fêtes populaires. Dans la société actuellement dominante, qui produit massivement des pseudo-jeux désolés de non-participation, une activité artistique véritable est forcément classée dans la criminalité. Elle est semi-clandestine. Elle apparaît sous forme de scandale.
Quest-ce, en effet, que la situation ? Cest la réalisation dun jeu supérieur, plus exactement la provocation à ce jeu quest la présence humaine. (...)
Quels devront être les principaux caractères de la nouvelle culture, et dabord en comparaison avec lart ancien ?
Contre le spectacle, la culture situationniste réalisée introduit la participation totale.
Contre lart conservé, cest une organisation du moment vécu, directement.
Contre lart parcellaire, elle sera une pratique globale portant à la fois sur tous les éléments employables. Elle tend naturellement à une production collective et sans doute anonyme (au moins dans la mesure où, les uvres nétant pas stockées en marchandises, cette culture ne sera pas dominée par le besoin de laisser des traces). Ses expériences se proposent, au minimum, une révolution du comportement et un urbanisme unitaire dynamique, susceptible de sétendre à la planète entière, et dêtre répandu ensuite sur toutes les planètes habitables. (...)
Tout le monde devenant artiste à un stade supérieur, cest-à-dire inséparablement producteur-consommateur dune création culturelle totale, on assistera à la dissolution rapide du critère linéaire de nouveauté. (...)
A ceux qui ne nous comprendraient pas bien, nous disons avec un irréductible mépris : " les situationnistes, dont vous vous croyez peut-être les juges, vous jugeront un jour ou lautre. Nous vous attendons au tournant, qui est linévitable liquidation du monde de la privation, sous toutes ses formes. Tels sont nos buts, et ils seront les buts futurs de lhumanité." "
MANIFESTE
in Internationale Situationniste n° 4, juin 1960.
***
" Nous ne pensons pas avoir inventé des idées extraordinaires dans la culture moderne, mais plutôt avoir commencé à faire remarquer lextraordinaire de son néant. "
LA FRONTIERE SITUATIONNISTE
in Internationale Situationniste n° 5, décembre 1960.
***
" Si aujourdhui le sport et les idoles rassemblent des foules que les partis politiques ne peuvent plus, de très loin, rêver de réunir, cest parce que depuis longtemps déjà les masses rassemblées par la politique nétaient que des masses de spectateurs passifs devant des idoles trompeuses. "
REFLEXIONS SUR LA VIOLENCE
in Internationale Situationniste n° 9, août 1964.
Slogans
" Ne travaillez jamais. "
Lettristes. 1953.
***
" Construisez vous-même une petite situation sans avenir. "
Lettristes. 1955.
***
" Si nous ne mourons pas ici, irons-nous plus loin ? "
Lettristes. 1955.
***
" La révolution la nuit "
Lettristes. 1955.
***
" Vous dormez pour un patron "
Lettristes. 1955.
***
" Lhumanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste. "
mai 1968.
***
" Je jouis dans les pavés. "
mai 1968.
***
" Assez dactes, des mots ! "
mai 1968.
***
" Mes désirs sont la réalité. "
mai 1968.
***
" Oubliez tout ce que vous avez appris. Commencez par rêver. "
mai 1968.
***
" Bientôt de charmantes ruines. "
mai 1968.
***
" Lalcool tue. Prenez du L.S.D. "
mai 1968.
***
" Tout pouvoir abuse. Le pouvoir absolu abuse absolument. "
mai 1968.
***
" La forêt précède lhomme, le désert le suit. "
mai 1968.
***
" Soyez réalistes, [demandez] exigez limpossible. "
mai 1968.
***
" Quimporte le droit au travail, nous voulons le droit à la paresse. "
mai 1968.
***
" Salaires légers, chars lourds. "
mai 1968.
***
" Il est permis de fumer, surtout du haschich. "
mai 1968.
***
" Dans le décor spectaculaire, le regard ne rencontre que les choses et leur prix. "
mai 1968.
***
" Les gens qui travaillent sennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne sennuient jamais. "
mai 1968.
***
" On ne compose pas avec une société en décomposition. "
mai 1968.
***
" Nos désirs sont désordres. "
mai 1968.
***
" La révolution, cest pour vous libérer, bande de cons ! "
mai 1968.
***
" Enragez-vous... Renragez-vous ! "
mai 1968.
***
" Nous ne voulons pas dun monde où la garantie de ne pas mourir de faim séchange contre le risque de mourir dennui. "
mai 1968.
***
" La barricade ferme la rue mais ouvre la voie. "
mai 1968.
***
" Léconomie est blessée, quelle crève ! "
mai 1968.
***
" Le pouvoir avait des usines, les ouvriers les ont prises ! Le pouvoir avait des universités, les étudiants les ont prises ! Le pouvoir na plus que le pouvoir... Nous le lui prendrons ! "
mai 1968.
***
" Il a mis trois semaines pour annoncer en cinq minutes quil allait entreprendre dans un mois ce quil navait pas réussi à faire en dix ans. "
mai 1968.
***
" Rêve + évolution = révolution "
mai 1968.
***
" Les sens avaient vaincu la bourgeoisie, lessence a vaincu la révolution. "
mai 1968.
***
" Les motions tuent lémotion. "
mai 1968.
***
" Un bon maître, nous en aurons un dès que chacun sera le sien. "
mai 1968.
***
" Baisez-vous les uns les autres, sinon ils vous baiseront. "
mai 1968.
***
" Aimez-vous les uns sur les autres. "
mai 1968.
***
" Les jeunes font lamour, les vieux font des gestes obscènes. "
mai 1968.
***
" Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette. "
mai 1968.
***
" Inventez de nouvelles perversions sexuelles. "
mai 1968.
***
" Embrasse ton amour sans lâcher ton fusil. "
mai 1968.
***
" Une femme sans homme, cest un poisson sans bicyclette. "
mai 1968.
***
" Un flic dort en chacun de nous, il faut le tuer. "
mai 1968.
***
" Mettez un flic sous votre moteur. "
mai 1968.
***
" La poubelle est un ustensile bourgeois dont le couvercle peut servir de bouclier à la révolution. "
mai 1968.
***
" Ne prenez plus lascenseur, prenez le pouvoir. "
mai 1968.
***
" Tout le pouvoir aux conseils ouvriers (un enragé).
Tout le pouvoir aux conseils enragés (un ouvrier). "
mai 1968.
***
" Quand les gens saperçoivent quils sennuient, ils cessent de sennuyer. "
mai 1968.
***
" Ne me libère pas. Je men charge. "
mai 1968.
***
" La bourgeoisie na pas dautre plaisir que celui de les dégrader tous. "
mai 1968.
***
" Ce nest pas seulement la raison des millénaires qui éclate en nous mais leur folie. Il est dangereux dêtre héritier. "
mai 1968.
Vaneigem (Raoul)
" Lorganisation de lapparence est liée à la survie du possédant, une survie liée à la survie de ses privilèges, et elle passe par la survie physique du non-possédant, une façon de rester vivant dans lexploitation et dans limpossibilité dêtre homme. "
" Banalités de base ", 5
in Internationale Situationniste n° 7, avril 1962.
***
" Le riche est aujourdhui celui qui possède le plus grand nombre dobjets pauvres. "
Ibid. 6.
***
" Ce quil nest pas nécessaire de détruire mérite dêtre sauvé ; cest la forme la plus succincte de notre futur code pénal. "
Traité du savoir-vivre à lusage des jeunes générations, 1967.
***
" Pour un monde de jouissances à gagner, nous navons à perdre que lennui. "
Ibid. 1972.
***
" Lautorité légalement accordée à lenseignant prête un goût si amer à la connaissance que lignorance en arrive à se parer des lauriers de la révolte. Celui qui dispense son savoir par plaisir na que faire de limposer mais lencasernement éducatif est tel quil faut instruire par devoir, non par agrément.
Essayez donc de prôner une compréhension mutuelle entre un professeur pénétrant dans sa classe comme dans une cage aux fauves et des potaches rompus à esquiver le fouet et prêts à dévorer le dompteur ! "
Avertissement aux écoliers et lycéens, 1995.
***
" Au désir sincère de faire de ladolescent un être humain à part entière se surimpose dans un inévitable malaise lexercice dun pouvoir auquel la structure hiérarchique contraint lenseignant. Comment ne lemporterait-elle pas, la tentation de se rendre indispensable et dentretenir chez létudiant une débilité qui en rende la domination plus aisée ? Qui vend des béquilles a besoin déclopés.
Nous sortons à peine et avec peine dune société où, à défaut davoir jamais pu croire en eux, les individus ont accordé leur croyance à tous les pouvoirs qui les estropiaient en les faisant marcher. Dieu, églises, Etat, patrie, parti, leaders et petits pères des peuples, tout leur a été prétexte raisonnable pour navoir pas à vivre deux-mêmes. Ces enfants quon ne relevait jadis que pour les faire tomber, il est temps de leur apprendre à apprendre seuls. Que soit enfin rompue lhabitude dêtre en demande au lieu dêtre en offre, et que soit révolue la misérable société dassistés permanents dont la passivité fait la force des corrompus. "
Ibid.
***
" Léducation appartient à la création de lhomme, non à la production de marchandises. Naurions-nous révoqué labsurde despotisme des dieux que pour tolérer le fatalisme dune économie qui corrompt et dégrade la vie sur la planète et dans notre existence quotidienne ? "
Ibid.
Ça c'est vrai, ça !